Faire Évoluer la Recherche en Psychologie Sociale : Vers une Science Plus Transparente et Fiable
Bienvenue dans ce numéro thématique d’InMind, dédié à l’évolution des pratiques de recherche en psychologie et à la science ouverte.
Ces dernières années, la recherche scientifique a connu un certain nombre de bouleversements et de remises en question. Les causes de la remise en question de la recherche et/ou des résultats de la recherche sont multiples : parfois il s’agit d’idéologie ou de scepticisme basé sur des croyances (par ex., le climatoscepticisme), mais il peut aussi s’agir de problèmes méthodologiques, d’un manque de transparence sur la manière dont les études ont été menées, d’une mauvaise utilisation des statistiques, ou encore de pratiques de recherche discutables utilisées pour augmenter ses chances d’avoir des résultats publiables et répondre à la pression à la publication (le fameux « publier ou périr »). On peut ajouter à ces raisons des cas avérés de fraudes scientifiques suivis de dépublications d’articles (voir à ce propos le site Retraction Watch). Parallèlement à ce que l’on pourrait appeler la crise de confiance vis-à-vis de la science, la psychologie sociale a fait l’objet d’une autre crise importante : la crise de la réplication. Il est en effet apparu que certains résultats considérés comme acquis étaient difficiles – voire impossibles – à reproduire.
Pour faire face à ces crises, une transformation profonde de la manière de faire de la recherche en psychologie semblait nécessaire, dans l’objectif de pouvoir fournir une science plus fiable, robuste, transparente et ouverte. A travers les cinq articles de ce numéro thématique, nous présenterons divers mouvements et initiatives qui œuvrent pour une science plus fiable, transparente et accessible.
Dans une première contribution intitulée « Science ouverte et confiance vis-à-vis de la science » rédigée par Jean-Baptiste Légal, nous reviendrons sur les origines de la crise de réplication en psychologie sociale, un problème qui remet en question la robustesse des résultats d’un certain nombre d’études. Nous discuterons des événements qui ont fait émerger cette crise, des causes sous-jacentes (notamment les pratiques de recherche discutables), des défis qu'elle pose à la crédibilité scientifique et des solutions potentielles pour y remédier.
L’article d’Anthony Lantian portera spécifiquement sur l’une des initiatives mises en place pour essayer de rendre la recherche plus fiable et transparente : le pré-enregistrement. Cette pratique vise à réduire les biais et à renforcer la transparence des recherches en exigeant des chercheurs qu'ils spécifient de la manière la plus précise possible leurs hypothèses et méthodologies avant de recueillir des données. En vous laissant bercer par le doux chant du pré-enregistrement, vous découvrirez comment cette démarche contribue à une science plus rigoureuse, transparente et à des résultats plus fiables.
Nous plongerons ensuite dans le monde de la méta-analyse à travers l’article de Jordane Boudesseul. Les méta-analyses, en compilant et analysant les résultats de multiples études sur un même sujet, jouent un rôle crucial dans l'évaluation de la robustesse des découvertes scientifiques. En suivant les méandres méta-analytiques, vous comprendrez leur principe, leur importance et leur impact sur la validation ou l’invalidation des théories.
Alexandra Masciantonio, dans son article intitulé « La science ouverte à la rencontre des revues scientifiques » présentera le mouvement et les principes de l’édition des articles scientifiques en insistant sur le développement des revues en libre accès. Actuellement, les revues scientifiques restent majoritairement payantes, ce qui limite nécessairement la diffusion de la recherche auprès du grand public. À une époque où l'accès à la connaissance ne devrait pas être limité par des barrières financières, différentes initiatives tentent de démocratiser l'information scientifique pour rendre les résultats de recherche accessibles au plus grand nombre. Parmi celles-ci, on peut citer certaines revues telles que la RIPS (Revue Internationale de Psychologie Sociale), mais aussi des systèmes de diffusion de pré-prints (qui sont des articles non encore publiés mais uniquement soumis dans des revues à comité de lecture) comme PsyarXiv, ou des archives ouvertes telles que HAL.
Enfin, nous terminerons avec la contribution de Blandine Ribotta, Ronan Bellemin, Jon Grahe, Hans IJzerman, Jordan Wagge et Mélody Maillez, qui porte sur le mouvement Big Team Science (qui consiste à impliquer des équipes de par le monde sur une même étude, ce qui permet d’obtenir des échantillons importants et diversifiés en termes de caractéristiques) à travers la présentation du réseau Psychological Science Accelerator et du projet CREP : le Collaborative Replication and Education Project. Comme vous le découvrirez, CREP est une initiative ambitieuse visant à promouvoir la réplication et les nouvelles pratiques de recherche dans la formation à la recherche scientifique reçue par les étudiants à l’université. En unissant chercheurs et étudiants autour de projets communs, ce programme stimule une culture de la collaboration et de la vérification des résultats dans le cadre de la formation académique à la recherche.
Au final, ce numéro spécial met en lumière des initiatives et des pratiques qui, ensemble, visent à renforcer la fiabilité et la transparence de la recherche en psychologie sociale. En embrassant ces changements, nous pouvons espérer construire une science plus robuste et digne de confiance.
Bonne lecture
Note : Même si un effort important a été fait par les auteurs pour faciliter la lecture et la compréhension des articles, ce numéro thématique contient encore des termes techniques. N’hésitez pas à utiliser le glossaire en cas de doute.