Les origines des peurs communes

Titre original : Origins of Common Fears: A Review ; Ecrit par Arash Emamzadeh, édité par Mitch Brown, traduit par Eve Legrand

Se recroqueviller lorsque l’on regarde en contrebas depuis les hauteurs ou quand l’orage gronde, craindre de se faire mordre par un gros serpent venimeux ou avoir peur à l’idée de croquer un petit snack bien gras, ce sont des peurs que tout le monde peut ressentir. Mais d’où viennent ces peurs ? Découvrons ce que les grandes théories en psychologie du siècle dernier disent des origines de nos peurs communes. 

On dit que la simple vue de la créature mythologique Méduse, cette Gorgone mortelle qui avait pour chevelure des serpents venimeux, pouvait transformer les spectateurs en statue de pierre. Un tel objet de pétrification universelle n’existe pas en réalité. Il existe en revanche des origines identifiables aux peurs humaines les plus communes. Parmi ces peurs communes, on trouve les piqûres, les blessures, la mort, les extraterrestres, le vide et les serpents – les deux dernières étant parmi les plus prédominantes chez l’homme (par ex., Agras et coll., 1969 ; Fiset et coll., 1989 ; Lapouse & Monk, 1959 ; Moore et coll., 1991 ; Oosterink et coll., 2009). Pourquoi ces peurs sont si courantes ? Pourquoi, par exemple, beaucoup d’entre nous ont-ils peur des serpents ? Est-ce parce qu’on nous a alertés sur le fait que les serpents sont dangereux ? Parce qu’ils ont l’air dangereux ? Ou peut-être parce qu’ils ont déjà blessé beaucoup d’entre nous ? C’est le type de questions qui sont examinées dans cet article, en utilisant des théories majeures en psychologie (les théories du conditionnement, de l’apprentissage, évolutionniste, cognitive de la personnalité). Pour faciliter le propos, la peur des serpents sera régulièrement utilisée comme exemple. N’hésitez cependant pas à penser à ce qui vous effraie, vous, personnellement, de sorte qu’en lisant les différentes approches vous soyez en mesure d’évaluer si elles peuvent élucider la genèse de vos propres peurs. 

Pourquoi avons-nous peur ?

Le conditionnement classique

Pour expliquer cette théorie, il faut d’abord définir quelques termes. Un  stimulus est un objet ou un événement sensoriel (par ex. une odeur de nourriture) qui suscite une  réponse, c’est-à-dire un changement dans l’organisme (par ex. la salivation). Dans certains cas, la relation entre stimulus et réponse est un réflexe non appris : on dit alors que le  stimulus et la réponse sont non conditionnés. Par exemple, une morsure ( stimulus non conditionné) suscite de la peur et de la douleur ( réponse non conditionnée) par réflexe. Dans d’autres cas, l’association est apprise ou conditionnée. Le conditionnement classique est une méthode d’apprentissage dans laquelle l’association (souvent répétée) entre un stimulus dit neutre et un stimulus non conditionné amène, par apprentissage, le stimulus initialement neutre (appelé désormais  stimulus conditionné) à déclencher la réponse (appelée désormais  réponse conditionnée). 

Figure 1. Le conditionnement. Image par Arash EmamzadehFigure 1. Le conditionnement. Image par Arash Emamzadeh

Prenons l’exemple décrit en Figure 1 : Chase n’a initialement pas peur des serpents, jusqu’au jour où il est douloureusement mordu par l’un d’entre eux et déclenche une peur. Selon le conditionnement classique, la morsure a appris à Chase à associer le stimulus non conditionné (la morsure) au stimulus autrefois neutre (le serpent). Le serpent est devenu le stimulus conditionné ou appris et, en tant que stimulus conditionné, la vue du serpent suscite désormais chez Chase la même réaction de peur et de douleur (c’est-à-dire la réponse conditionnée) que la morsure. Maintenant que nous savons ce qu’est le conditionnement classique, nous pouvons examiner les recherches sur son rôle dans l’étiologie des peurs.

Dans une étude portant sur dix peurs courantes étudiées chez 1092 écoliers Américains et Australiens, des événements de conditionnement ont été rapportés par 6% (peur des attentats à la bombe) à 70% (peur de la suffocation) d’entre eux (Ollendick & King, 1991). Dans une autre étude sur les peurs conduite chez 129 enfants, le pourcentage d’enfants qui attribuaient l’apparition de leurs angoisses au conditionnement allait de 25% (pour la « peur de l’inconnu ») à 50% (pour la « peur de l’échec et de la critique »). Le conditionnement a été qualifié comme « la voie explicative la plus fréquente pour la peur des animaux, les peurs médicales et la peur de l’échec et de la critique » (Muris et coll., 1997, p. 933). En accord avec cette proposition, Doogan et Thomas (1992) ont observé que 50% des 100 étudiants de licence et des 30 écoliers Anglais ayant participé à leur étude ont attesté d’événements de conditionnement pour expliquer leur peur des chiens, et plus de 50% des 128 étudiants universitaires ayant peur des piqûres, interrogés dans une étude menée par Kleinknecht (1994), considéraient le conditionnement comme la principale voie d’acquisition de leur peur. 

Toutefois, toutes les études réalisées ne reportent pas de statistiques aussi importantes. Dans une étude conduite chez 50 personnes ayant peur du vide, seulement 18% des personnes interrogées ont attribué leur peur au conditionnement (Menzies & Clarke, 1993). De même, seuls trois des 117 participants à l’étude de Murray et Foote (1979) conduite en Amérique sur la peur des serpents avaient déjà été mordus par des serpents.

Apprentissage informatif

Le contact direct avec la source de danger n’est pas toujours nécessaire pour apprendre. Selon une deuxième théorie de l’apprentissage, la simple transmission d’informations liées à une menace peut entraîner la peur (Lebowitz et coll., 2016). Parmi les exemples de ce mode d’apprentissage, on trouve les parents qui avertissent leurs enfants contre les inconnus, les enseignants qui mettent en garde les élèves contre les drogues, ou encore les médecins qui font de la prévention sur la consommation excessive de nourriture auprès de leurs patients. La brève revue de littérature qui suit montre que ce mode d’apprentissage est assez courant.

Par exemple, dans l’étude d’Ollendick et King de 1991, entre 76% (pour la peur de la suffocation) et 96% (pour la peur du feu) des enfants ont attribué l’apparition de leurs angoisses à l’apprentissage informationnel. Dans l’étude de Muris et collaborateurs (1997), entre 0 % (pour la peur de l’échec et de la critique) et 41 % (pour la peur du danger et de la mort) des enfants ont rapporté une influence de la transmission d’informations. Enfin dans l’étude de Murray et Foote (1979) sur la peur des serpents, le groupe à forte peur a attesté d’une plus grande influence de cette voie d’apprentissage par rapport au groupe à faible peur.

Pour autant, Menzies et Clarke (1993) ont rapporté que moins de 10% de leurs participants ayant peur du vide mentionnaient un apprentissage informationnel. Dans la recherche de Kleinknecht (1994) sur les piqûres et les blessures, 3% seulement des participants ont estimé que l’apprentissage informationnel était la principale méthode d’acquisition de leur peur. Enfin, Doogan et Thomas (1992) n’ont pas trouvé de différences entre leurs groupes à forte et faible peur des chiens quant à l’attribution de l’origine de cette peur à des avertissements parentaux. Il apparaît donc que, malgré son omniprésence, l’apprentissage informationnel ne permet pas d’élucider l’étiologie de certaines peurs. Il existe néanmoins un dernier mode d’apprentissage à considérer, qui est moins « pratique » que le conditionnement classique mais pas aussi « distant » que l’apprentissage informationnel.

Apprentissage par observation

Dans  l’apprentissage par observation, aussi appelé apprentissage vicariant ou modelage, de nouveaux comportements sont appris par l’observation directe des autres (Gazzaniga et coll., 2016). L’existence de l’apprentissage par observation a été démontrée expérimentalement tant chez les nourrissons que chez les adultes (Gerull & Rapee, 2002 ; Hygge & Öhman, 1978), mais l’une des preuves les plus convaincantes provient de recherches sur les singes. Dans une série d’études, des singes rhésus élevés en laboratoire ont appris à craindre les serpents simplement en observant des vidéos de singes réagissant avec anxiété aux serpents dans la nature ; les craintes de ces singes de laboratoire n’ont pas diminué, et ce même trois mois plus tard (Mineka et coll., 1984). 

Un certain nombre d’études ont également évalué le rôle du modelage dans l’acquisition des peurs chez l’homme. Ollendick et King (1991), par exemple, ont rapporté qu’entre 42% (pour la peur des attentats à la bombe) et 69% (pour la peur des cambriolages) des participants ayant de fortes peurs de ces objets considéraient que l’apprentissage vicariant avait eu une influence. Dans leur étude sur la peur des serpents, Murray et Foote (1979) ont trouvé que le modelage était plus explicatif que le conditionnement classique, bien que les preuves de son rôle causal soient « marginales ». Environ 20% des participants de l’étude de Menzies et Clarke (1993) sur la peur du vide ont considéré que l’apprentissage par observation avait pu causer leur peur. Dans la recherche de Kleinknecht (1994) sur la peur des piqûres et des blessures, 16% des participants ont indiqué que le modelage était la principale voie d’acquisition de la peur. 

Cependant, dans leur recherche sur les peurs chez les enfants, Muris et collaborateurs (1997) ont conclu que l’apprentissage vicariant avait une très faible influence – uniquement  significative pour la catégorie de la « peur de l’inconnu » (4 %). De la même façon, Doogan et Thomas (1992) n’ont observé « aucune différence significative » pour l’effet du modelage dans leurs groupes à faible et à forte peur des chiens. A la lumière de ces résultats, il semble que le modelage ait un pouvoir explicatif causal limité dans l’étiologie des peurs. Dans leur ensemble, les approches par l’apprentissage pourraient ne pas être en mesure d’expliquer certains résultats surprenants. Par exemple, dans l’étude sur les singes mentionnée plus haut, les singes élevés en laboratoire avaient également visionné des vidéos montrant des singes sauvages réagissant de manière craintive face à des fleurs et à des jouets en forme de lapins, ce qui n’a pas conduit à un apprentissage de la peur (Cook & Mineka, 1990).

Psychologie de l’évolution

La psychologie évolutionniste pourrait apporter une réponse à notre énigme. Cette dernière étudie les causes ultimes des comportements en appliquant la théorie de l’évolution (Shackelford & Liddle, 2014). Comme vous le savez peut-être, la théorie de l’évolution décrit les traits hérités et les changements dans les traits hérités des populations au fil des générations. A chaque génération, il existe une concurrence pour obtenir des ressources (qui sont limitées), et les organismes les plus adaptés pour survivre et se reproduire dans ces circonstances ont davantage de chance de transmettre leurs gènes aux générations futures. La psychologie évolutionniste défend l’idée que certains de nos comportements actuels sont des adaptations évolutionnistes, c’est-à-dire hérités parce qu’ils ont permis, il y a des millions d’années de résoudre des problèmes spécifiques et récurrents liés à la survie et à la reproduction de notre espèce (Buss, 1995). La peur des serpents fait-elle partie de ces adaptations ? 

C’est ce que suggèrent les travaux de l’anthropologue Isbell. Cette dernière a présenté des preuves quant au fait que la complexité de notre  système visuel a en partie été façonnée par la présence de serpents venimeux qui s’attaquaient à nos ancêtres primates (2006, 2009). Il y a 60 millions d’années, une famille de serpents a développé un « système d’administration du venin extraordinairement puissant » et, en conséquence, les  grands singes et les  singes de l’Ancien Monde qui coexistaient avec ces serpents venimeux ont développé à la fois une plus grande peur des serpents et un  système  visuel plus élaboré pour les détecter (Isbell, 2006, p. 4). En revanche, les primates tels que les lémuriens, qui n’ont jamais coexisté avec des serpents venimeux, n’ont pas évolué avec ce système visuel et n’ont pas appris à craindre les serpents (Isbell, 2006). Isbell (2009, pp. 147-148) conclut que « notre excellente vision est principalement le résultat d’une pression évolutive pour détecter et éviter les serpents » et que si « les serpents avaient cessé d’être un problème pour nos ancêtres primates […] nous n’aurions probablement pas [peur des serpents] aujourd’hui ».

Figure 2. L’évolution en action. Image par Arash EmamzadehFigure 2. L’évolution en action. Image par Arash Emamzadeh

Les psychologues Menzies et Clarke (1995), s’appuyant sur l’approche évolutionniste, ont émis l’hypothèse que nous naissons avec la peur de certains stimuli, stimuli qui étaient importants pour la survie de nos ancêtres dans l’environnement dangereux qui était le leur il y a des millions d’années (par ex., les inconnus, les araignées, les serpents, le vide, etc.). Dans leur étude de la peur du vide, ces chercheurs ont observé que si 46% des participants attribuaient l’origine de leur peur à l’apprentissage, 30% affirmaient que leur peur avait « toujours été » (Menzies & Clarke 1993, p. 358). D’autres psychologues estiment que l’évolution a produit une « préparation biologique adaptative » : une préparation qui peut entraîner une acquisition rapide et facile de la peur, mais uniquement lorsque des opportunités d’apprentissage sont présentes (McNally, 2016, p. 586 ; Seligman, 1971). Cette théorie de la préparation pourrait nous aider à expliquer les surprenants résultats des études sur les singes (Cook & Mineka, 1990). Il suffit de se rappeler que ces singes sont les descendants d’autres singes qui, il y a des millions d’années, étaient rapides à détecter et à apprendre à craindre les serpents (l’un de leurs principaux prédateurs), ce qui leur a permis de survivre et de se reproduire (Mineka, & Zinbarg, 2006). Apprendre à craindre les fleurs ou les lapins, en revanche, ne présentait aucun avantage adaptatif en termes de survie.

Théories cognitives et de la personnalité

Voici une autre énigme. Comment les approches évolutionnistes peuvent-elles nous aider à comprendre notre absence de peur des champignons ? Pourquoi devrions-nous avoir peur des champignons, me demanderez-vous ? Parce que les champignons vénéneux ont représenté une menace pour la survie, peut-être même plus grande que les araignées et les serpents (Delprato, 1980). Est-il possible que les araignées et les serpents, mais pas les champignons, apparaissentplus dangereux ? Si tel est le cas, nous pourrions avoir besoin d’explorer le rôle des cognitions – qui sont des processus mentaux associés aux attentes ou aux perceptions du danger (par ex., Davey, 1995) – dans la genèse des peurs.

Il a été suggéré que notre réaction de peur ne serait pas provoquée par un animal pris dans son ensemble, mais seulement par des qualités saillantes comme sa vitesse, ou, dans le cas d’un serpent, son apparence inhabituelle ou la soudaineté de ses mouvements (Bennett-Levy & Marteau, 1984 ; Merckelbach et coll., 1987). Cela signifie que si nous rencontrons un stimulus nouveau (par ex. un animal jamais vu auparavant), notre réaction de peur dépendrait de notre perception de sa vitesse, de la soudaineté de ses mouvements, de l’étrangeté de son apparence ou encore d’autres caractéristiques saillantes liées à la peur.

Quelles sont ces autres caractéristiques ? Le dégoût pour commencer. La perception du dégoût est influencée par les « traits de personnalité », qui sont des dispositions à penser, à ressentir et à se comporter selon des patterns spécifiques et stables dans différentes situations. Plus précisément, il existe des différences individuelles dans le trait de la propension au dégoût ou « la mesure dans laquelle le dégoût est ressenti » (Olatunji et coll., 2017, p. 613). Cela signifie que certaines personnes sont plus susceptibles d’éprouver du dégoût lorsqu’elles sont exposées à des stimuli de peur liées au dégoût (comme la salive ou les excréments), et plus susceptibles de craindre le contact de ces stimuli. 

Les stimuli liés au dégoût sont souvent ceux qui peuvent véhiculer des maladies (par ex. le sang, la salive, les sécrétions sexuelles). En effet, le dégoût pourrait être une adaptation évolutive pour éviter les maladies (Oaten et coll., 2009). Davey (2011) propose que la raison pour laquelle certains stimuli (comme les vers, les limaces ou les serpents) sont perçus comme dégoûtants serait qu’ils ressemblent aux principaux stimuli induisant le dégoût (par ex. les excréments, le mucus). Le dégoût a été impliqué dans la genèse d’un grand nombre de peurs et de phobies (c.à.d. des peurs intenses) : phobies du sang, des piqûres et des blessures, phobies animales (serpents, araignées, etc.), et même des préjugés basés sur la peur à l’égard des étrangers, des immigrants et des homosexuels (Hodson & Costello, 2007 ; Klieger & Siejak, 1997 ; Mulkens et coll., 1996 ; Terrizzi et coll., 2010).

Les théories intégratives

Maintenant que nous avons examiné les principales théories explicatives des origines des peurs, nous pouvons brièvement nous pencher sur une approche qui associe et intègre divers éléments de ces théories. Un tel modèle intégratif a été proposé par Armfield, centré sur les « schémas », qui sont des structures cognitives organisant les pensées et les perceptions. Il suggère que lorsqu’un stimulus de peur entre dans le  système, il suscite une réponse de peur immédiate (réflexe) dès lors qu’il déclenche le schéma correspondant (Armfield, 2006). Que contient ce schéma ? Des informations basées sur la perception de la « dangerosité », du « dégoût », de « l’incontrôlabilité » et de « l’imprévisibilité » d’un stimulus ; des informations qui ont été façonnées par les apprentissages antérieurs et des facteurs de personnalité tels que la sensibilité au dégoût (Armfield, 2006). En raison de la complexité du modèle et des recherches empiriques limitées (par ex., Armfield, 2010 ; Crego et coll., 2013), il est trop tôt – à l’heure où cet article a été écrit à savoir en 2018 – pour dire si ce modèle peut bel et bien décrire avec succès l’étiologie de toutes les peurs courantes. 

Conclusion et limites

Avec le recul, l’une ou l’autre des théories évoquées vous a-t-elle éclairé sur la genèse de vos propres peurs ? Ou bien plusieurs de ces théories ? Ou encore aucune ? Sur la base des résultats présentés dans cet article, il est possible qu’aucune théorie ne puisse à elle seule décrire les origines de toutes les peurs communes, bien que certaines approches semblent plus adaptées à la description de la genèse de peurs particulières ou à l’existence de peurs chez certains individus. Ainsi, l’origine de la peur des piqûres (Kleinknecht, 1994) et des peurs de la suffocation chez l’enfant serait bien expliquée par le conditionnement classique (Muris et coll., 2000 ; Ollendick & King, 1991). Les peurs des enfants face à des dangers « abstraits », c’est-à-dire des objets et des situations desquels ils n’ont qu’une expérience directe limitée voire inexistante (par ex. les attentats à la bombe, la mort), peuvent être expliquées par les théories de l’apprentissage par l’observation ou l’information (Davey, 1992 ; Muris et coll., 1997 ; Ollendick & King, 1991). Les origines de la peur du vide ou de la peur des serpents peuvent être expliquées par les points de vue évolutionnistes, en particulier la théorie de la préparation (Menzies & Clarke, 1995 ; Seligman, 1971). Les théories cognitives et de la personnalité, quant à elles, et outre le fait qu’elles complètent d’autres approches, sont plus aptes à décrire la genèse des peurs liées à des stimuli nouveaux, qui peuvent sembler imprévisibles et incontrôlables, inhabituels ou dégoûtants. Ces théories peuvent expliquer nos peurs face à un extraterrestre à l’apparence étrange, un insecte visqueux ou un robot qui agit de manière soudaine et imprévisible.

Notons que certaines des études évoquées dans cette analyse comportaient peu de participants et que beaucoup reposaient sur des  auto-évaluations du sentiment de peur et de ses origines, ce qui n’est pas toujours fiable (par ex., la façon de poser la question peut influencer la réponse qui est donnée, Schwarz, 1999). En outre, les questions de recherche examinées dans ces études et les mesures employées variaient d’une étude à l’autre, ce qui rend les comparaisons directes difficiles. Enfin, un certain nombre de facteurs, tel que le lieu, n’ont pas été pris en compte alors même qu’ils pourraient influencer les résultats des études. Par exemple, si le conditionnement est une explication inadéquate de l’origine de la peur des serpents aux États-Unis, cette explication est sans doute meilleure dans les recherches menées en Inde. Pourquoi ? Parce que moins de 10 personnes meurent de morsures de serpent chaque année aux États-Unis contre plus de 10 000 en Inde (Kasturiratne et coll., 2008 ; Langley, 2005).

 

Références

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